Accueillir la neurodivergence

Dépasser les étiquettes

Tu prends trop de place. Dès les premières années, mon bulletin scolaire était parsemé de petites notes du genre : « trop bavarde », « n’attends pas son tour de parole », ou, pire encore, « dérange constamment ses camarades ». À l’époque, garder le silence était de la torture, car mon cerveau était sans cesse en ébullition. Une décennie plus tard, un diagnostic m’a aidé à comprendre que je n’étais pas un être purement égocentrique, mais que je vivais avec un trouble neurodéveloppemental : le TDAH, soit le Trouble du Déficit de l’Attention avec Hyperactivité. Une ampoule s’est allumée dans ma tête, jetant par le fait même une nouvelle lumière sur mon environnement : enfin, je pouvais saisir les outils adéquats et nécessaires pour bien naviguer dans la vie, ses tumultes, malgré mon trouble déficitaire de l’attention ! Bien que je ne croie pas qu’il soit possible de prendre trop de place, j’ai dû réaliser que certaines méthodes de communication pouvaient parfois surprendre, voire brusquer autrui, puisque nous ne recevons pas toutes et tous le monde de la même manière.

 

Accueillir la neurodivergence

Le prisme de la neurodivergence

La communication chez les personnes neurodivergentes (qui présentent un fonctionnement cérébral atypique) diffère de celles dites « neurotypiques ». Pour mieux comprendre l’autre, nous avons souvent besoin de rapporter son expérience à quelque chose que nous avons vécu soi-même. C’est une façon d’être empathique pour les gens avec un TDAH : je comprends comment tu peux te sentir, puisqu’il m’est arrivé quelque chose de similaire. Cependant, il est essentiel de développer des outils pour mieux « lire la pièce » et pour éviter de blesser nos proches, en les interrompant au mauvais moment pour parler de notre propre expérience, par exemple. En prenant le temps d’expliquer son diagnostic, il est possible de faire comprendre que nos intentions ne sont pas de « ramener tout à soi » et qu’il est physiquement difficile pour une personne avec un TDAH de freiner son impulsivité. Lorsqu’il m’arrive d’interrompre quelqu’un, je prends soin de m’excuser, et propose de reprendre le fil initial de la conversation. Comme dans toutes les relations, une communication claire est primordiale et devrait tendre vers la bienveillance.

Révéler la richesse des différences

« Divergence » sonne comme « différence » et sont synonymes ; rapidement, on peut se sentir différent·e des autres, mis·e à l’écart ou rejeté·e lorsqu’on se présente autrement à la surface du monde, « hors normes ». Plusieurs obstacles sociaux et préjugés guettent les personnes neurodivergentes, notamment dues à un manque de sensibilisation (dans les institutions, dans les écoles et sur les lieux de travail). C’est pourquoi il est nécessaire que la société dans son ensemble soit mieux informée sur les neurodivergences, comme l’autisme, le TDAH et la dyslexie, pour n’en nommer que quelques-uns. Être différent contribue à l’enrichissement de la diversité humaine ; qu’il soit neurotypique ou neurodivergent, chaque individu apporte sa propre perspective, unique au monde, sur ce qui l’entoure. Penny Spikins, professeure à l’Université de York et archéologue des origines humaines, a d’ailleurs déclaré que « la diversité, la variation entre les individus, a probablement été bien plus importante dans le succès évolutif de l’humanité que les caractéristiques d’une seule personne[1] » dans une étude sur les liens entre l’autisme et les plus grands succès de l’évolution humaine. Rien de moins.

Construire des ponts

Dans les centres d’écoute, à travers des échanges bienveillants et une communication ouverte, les bénévoles et les écoutant·e·s contribuent à la déstigmatisation des personnes neurodivergentes en permettant d’apprendre les un·e·s des autres, en promouvant une culture de l’acceptation et en s’impliquant pour la création d’un environnement accueillant et inclusif. Nous pouvons construire des ponts entre les individus et leurs particularités, en reconnaissant d’abord qu’il existe différents modes de communication et d’échange. Chaque voix compte, et les centres d’écoute sont là pour les abriter ; pour accompagner celles et ceux qui ressentent le besoin de communiquer, peu importe le degré de gravité de leurs expériences, et toujours sans jugements.

En faisant preuve de compréhension, de sensibilisation et de soutien, nous avons le potentiel de bâtir une société où la solitude recule devant l’inclusion et la célébration de nos différences. Car il y a bel et bien une place pour chacun·e.

Souhaitez-vous…

… Parler avec quelqu’un qui vous comprend ? Consultez le répertoire de l’Association des centres d’écoute téléphonique du Québec (ACETDQ) pour trouver un centre d’écoute dans votre région.

… Tendre l’oreille et offrir votre soutien ? Pour devenir écoutant·e bénévole, c’est par ici !

 

Par Marie-Hélène Racine, pour l’Association des Centres d’Écoute téléphonique du Québec

 

[1] « Autism and human evolutionary success – News and events, The University of York » [archive], sur www.york.ac.uk (consulté le 1 août 2023), traduction libre.