L’écoute, un acte subversif?
L’ÉCOUTE, UN ACTE SUBVERSIF?
Nous vivons dans une époque saturée d’opinions tranchées, où les échanges peuvent prendre des allures de joute et où le silence est souvent (mal)interprété comme une faiblesse. Prêter l’oreille sans chercher à faire valoir son point de vue est presque un acte de dissidence. Qu’on se le dise : écouter vraiment, c’est aller à contre-courant. 🌊
La parole peut osciller entre arme et bouclier, selon qui la brandit. Au Québec, comme aux États-Unis en ce moment, le débat public s’enflamme, et tout le monde semble devoir à tout prix choisir un camp. On a l’impression qu’il faut réagir vite et fort, et qu’il est nécessaire de mettre ses convictions sur la table. À l’inverse, l’écoute invite plutôt à suspendre son jugement et à accepter la nuance. C’est aussi ne pas avoir de réponse toute prête, sans chercher à bondir sur l’autre (et ses propos).
Mais comment rester ouvert(e) lorsqu’un discours nous déplaît, voire nous bouscule?
QUAND NE RIEN DIRE SEMBLE LOUCHE
Le silence est souvent diabolisé. Nous avons plutôt tendance à prôner des formes de communication rapide, instantanée. Ne rien dire semble louche, c’est revêtir des airs de complice. Depuis l’enfance, on nous martèle que ne pas se positionner, c’est être lâche, et que, plutôt que de remplir l’espace, le laisser ouvert serait un manque d’engagement…
Pourtant, rien de plus faux : le silence crée un espace où l’autre peut se déposer entièrement, plutôt que d’exister en réaction à une opposition. C’est tout le contraire d’une fuite ou d’un manque d’engagement. Nous évoluons dans un monde où tout le monde semble avoir quelque chose à dire, sur tout, tout, tout. Nos fils Facebook dégoulinent d’opinions. Le printemps arrive, et les terrasses, elles aussi, se gorgeront de ce fiel. Et dans cette ère où chaque prise de parole est un terrain miné, écouter devient, oui, un acte subversif.
Prenons l’exemple de certaines tensions politiques actuelles : immigration, coupes en culture, atteinte à la liberté d'expression. Chaque propos est disséqué, surinterprété, et bien souvent vidé de sa complexité. Après tout, chacun·e a son vécu. Mais que se passerait-il si, au lieu de réagir à tout prix, on s’autorisait une pause ?
Et si on cherchait d’abord à comprendre l’autre?
Le silence ≠ l’approbation. Il est un espace où l’autre peut aller au bout de sa pensée, même (et surtout) si elle nous dérange.
RÉSISTER À LA CULTURE DE LA PRODUCTIVITÉ 💭
On a l’impression que même dans nos vies intimes, les émotions doivent se transformer en leçons de vie : si on est triste, il faut rapidement se débarrasser de ce sentiment. Si on est en colère, en beau maudit, comme on dit, alors, canalisons cette énergie pour en faire quelque chose de « productif » ! Et si on est en désaccord, il faut débattre et trancher, dans cette obsession sociétale de faire valoir SON point de vue, trop souvent au détriment de celui de l’autre…
Mais l’écoute ne produit rien de quantifiable. Elle n’est pas là pour convertir un opposant en un allié. Elle ne va pas « régler » un problème.
Elle est lente. Insaisissable. Elle ne sert à rien, au sens capitaliste du terme. Et c’est justement pour ça qu’elle est indispensable.
Parce qu’elle permet quelque chose d’inédit : ne pas chercher à être le vainqueur d’un quelconque combat, tout en permettant l’échange.
Plus subtile, peut-être, mais d’une force tout aussi percutante.
RESTER LÀ
Parce que c’est souvent dans les moments de silence qu’un vrai dialogue peut naître. Quand tout va trop vite, quand on croit pouvoir se comprendre en quelques phrases, offrir à l’autre un espace pour exister sans avoir à se justifier devient une forme de soin radical.
C’est ce que proposent les centres d’écoute : un espace où trouver une oreille attentive, capable de traverser les silences les plus inconfortables, ou, au contraire, prête à vous écouter sans ouvrir de débat. Ce qui compte, ici, c’est que vous vous sentiez entendu·e.
L’écoute, c’est punk au fond.
À L’ÉCOUTE DES DÉTRESSES
Stéphane souligne un problème majeur : l’encombrement des lignes d’urgence, qui doivent être réservées aux véritables situations critiques. Il raconte un gros accident où une quinzaine de personnes peuvent appeller le 911 en même temps, tandis que seuls cinq répartiteur·trices sont là pour répondre. À cela s’ajoutent les appels hebdomadaires qui ne relèvent pas de l’urgence. Une solution envisagée serait d’introduire un cours de sensibilisation au secondaire pour informer le public sur les situations nécessitant un appel à la police, propose Stéphane. Une autre solution serait d'améliorer l'accessibilité et la connaissance des ressources pour contrer les problèmes liés à la santé mentale, notamment la solitude. C’est là que les centres d’écoute téléphonique prennent toute leur importance.
Pour Stéphane et ses collègues, leur mission est claire : écouter, évaluer et agir. C’est un travail qui sauve des vies, souvent dans l’ombre, et qui mérite d’être reconnu.
À PROPOS DE NOUS ℹ️
Besoin d’un endroit où vous déposer? Trouvez un centre d’écoute près de chez vous sur le site de l’Association des centres d'écoute téléphonique du Québec.
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L’Association des Centres d’écoute téléphonique du Québec tient à remercier Marie-Hélène Racine pour la rédaction de ce texte. 🙏