Naviguer entre l’Ă©coute et l’intervention
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L'IMPORTANCE DE L'ĂQUILIBREâïž
Câest une formule convenue, certaines personnes diront une nĂ©cessitĂ© : lâĂ©quilibre permet lâharmonie entre les diffĂ©rents aspects de la vie. Quâil soit question de notre bien-ĂȘtre physique ou mental, ou des liens qui nous forgent, tout Ă©cosystĂšme doit tendre Ă une forme de stabilitĂ© afin de sâĂ©panouir. Il en est de mĂȘme pour notre intĂ©rioritĂ©. Lorsquâon oublie, refuse, ou craint de sâouvrir Ă lâautre, on court le risque dâaccumuler nos Ă©motions nĂ©gatives, puis un jour, Ă force de laisser fermenter tout ça, le bouchon saute. Et câest lĂ que ça peut devenir moins beau.
Nous avons demandĂ© Ă Michel Turcotte, travailleur social et ancien coordonnateur de lâAssociation des centres dâĂ©coute tĂ©lĂ©phonique du QuĂ©bec, de nous donner ses dĂ©finitions de l'Ă©coute et de lâintervention, et jusquâoĂč elles sâentrecroisent. đ
L'EMPATHIE ET SES NUANCES

Dans sa pratique en travail social, Michel accorde une grande importance Ă l'Ă©coute : « Jâessaie d'intervenir le moins possible et de m'assurer que mes interventions soient les plus appropriĂ©es que possible, en ramenant la personne Ă elle-mĂȘme », explique-t-il. Par exemple, il peut lui arriver de demander : « J'aimerais que tu me prĂ©cises ton besoin/ton attente vis-Ă -vis de la situation ». De cette maniĂšre, Michel mise sur les ressources dĂ©jĂ prĂ©sentes chez la personne. Il Ă©met cependant une distinction importante : si l'Ă©coute est une composante essentielle de l'intervention, l'inverse n'est pas nĂ©cessairement vrai. Il insiste sur la nĂ©cessitĂ© d'avoir les outils appropriĂ©s lorsqu'on s'engage dans une intervention, car cela requiert un niveau de responsabilitĂ© qui dĂ©passe lâĂ©coute active ; comprendre les enjeux personnels de la personne, son passĂ© et les motivations qui la poussent Ă agir d'une certaine maniĂšre est crucial pour Ă©valuer le contexte et dĂ©terminer les meilleures approches d'intervention. Cette idĂ©e est Ă©galement soutenue par le psychologue humaniste amĂ©ricain Carl Rogers, qui dans "On Becoming a Person: A Therapistâs View of Psychotherapy" (1961), souligne l'importance de l'empathie en mettant de cĂŽtĂ© ses propres jugements pour entrer dans lâunivers de l'autre sans prĂ©jugĂ©s.
Lâintervention nĂ©cessite de lâĂ©coute, et lâĂ©coute active nĂ©cessite de lâempathie, mais peut-on ĂȘtre trop empathique ? « Oui », nous rĂ©pond Michel, « quand lâintervenant rejoint trop la personne dans son histoire, le risque est de verser dans la sympathie. » Bien que ça puisse arriver Ă tout le monde, de vivre un effet de contre-transfert, câest la responsabilitĂ© de lâintervenant(e) de bien connaĂźtre ses forces et ses limites pour ne pas partager la douleur dâautrui, pour ne pas « tomber dans le mĂȘme bain », illustre Michel, ce qui serait contre-productif.
CONSTRUIRE DES PONTS
Autant dans lâĂ©coute que dans lâintervention, la base est de rester attentif Ă lâautre. Michel ajoute : « Quand jâai rĂ©ussi Ă percevoir chez la personne et quâelle nomme quâelle se sent mieux, parfois juste dans son non-verbal, câest ce quâon appelle lâintelligence Ă©motionnelle. » Il se rappelle une fois oĂč, dans le cadre dâune intervention, il a demandĂ© Ă quelquâun de lui de nommer une qualitĂ© que possĂšde son frĂšre. La personne a fait le saut, car dans sa croyance, il nâavait que des dĂ©fauts. Cette prise de conscience lui a permis de reconnecter des fils, de changer un peu la trajectoire de ses ruminations intĂ©rieures, et de reconnaĂźtre que son frĂšre, malgrĂ© tout, nâĂ©tait pas totalement dĂ©nuĂ© de qualitĂ©. « Mon rĂŽle câest de faire en sorte que les familles puissent construire des ponts plutĂŽt que des murs. » Mais avant de sâaventurer sur ce terrain, Michel a pris bien soin de comprendre â de bien Ă©couter, surtout â les raisons derriĂšre cette dispute familiale afin de ne pas envenimer la situation. VoilĂ oĂč repose la responsabilitĂ© cruciale qui incombe lorsqu'on intervient dans une situation souvent complexe, les cas tout noir ou tout blanc Ă©tant plutĂŽt rares.
Le rĂŽle des Ă©coutants non professionnels, tel que les bĂ©nĂ©voles dans les centres dâĂ©coute, est dâoffrir une Ă©coute active Ă ceux ou celles qui en ressentent le besoin. Il serait faux de croire que parce quâiels nâont pas la mĂȘme charge, les mĂȘmes responsabilitĂ©s que les intervenant(e)s, quâiels manquent de rigueur : les rĂ©pondant(e)s permettent trĂšs souvent de « dissiper un brouillard » en rĂ©fĂ©rant vers des ressources professionnelles. Câest souvent le premier pas, parfois mĂȘme le plus difficile.
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LâAssociation des Centres dâĂ©coute tĂ©lĂ©phonique du QuĂ©bec tient Ă remercier Michel Turcotte pour son temps et ses rĂ©flexions, toujours justes et pertinentes. đ